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Entretien avec Amina Benjelloun, la directrice de la Promotion économique aux Affaires économiques et générales.
Publié le : 06.06.2011 | 16h54
LE MATIN: Quelle stratégie de développement du climat des affaires ?
Amina Benjelloun : La directrice de la Promotion économique aux Affaires économiques et générales s'arrête sur la bonne gouvenance.
C'est ce 8 juin à Rabat que le Programme MENA-OCDE pour l'investissement et le ministère des Affaires économiques et générales organisent une conférence à la fois sur l'évaluation du climat des affaires et sur la stratégie de développement du climat des affaires. L'occasion de présenter les conclusions d'une évaluation initiée depuis deux ans sur le climat des affaires, véritable «analyse de 12 dimensions du climat des affaires selon des critères basés sur les bonnes pratiques régionales et internationales». Ce diagnostic permettra en outre de proposer des recommandations à la fois par dimension, mais aussi de manière horizontale pour améliorer le climat des affaires et les réformes prioritaires.
Cet exercice d'évaluation qui permet de rendre compte, d'apprécier l'impact des actions et des programmes, d'aider et d'influencer les décideurs n'est pas un seul processus technique. Il permet en effet le débat sur une feuille de route élaborée avec le secteur privé et la société civile. Un débat souvent passionné sur le climat des affaires, même si et comme le soulignait Anthony O Sullivan, de la direction des affaires financières et des entreprises à l'OCDE, qui présentera les conclusions de la SDCA à cette rencontre du 8 juin, «le Maroc est l'un des pays qui ont été les plus ouverts dans la concertation avec les partenaires économiques et qui a avancé progressivement des réformes sur les dix dernières années. Ouverture de secteurs à la concurrence, aux investissements étrangers, mise en place de projets importants, notamment les zones franches. Ces dernières sont très importantes puisqu'elles permettent à des entreprises étrangères, comme Renault, de développer toute une filière d'entreprises locales et qui créent donc de la connaissance technique et de l'emploi.
La progression a été moins rapide que dans d'autres pays, mais plus cohérente et soutenue dans le temps». Mais nombre de « défis restent à relever pour dynamiser la croissance, la compétitivité et l'emploi. Le Maroc, indique également une note du ministère, doit « notamment améliorer sa communication et son image relatives à l'environnement des affaires, renforcer ses efforts de lutte contre la corruption, réduire les contraintes foncières, continuer d'améliorer ses infrastructures afin d'assurer un meilleur maillage territorial, soutenir le développement d'activités créatrices d'emploi et développer des compétences managériales. La simplification des procédures et l'amélioration de la coordination institutionnelle sont aussi des chantiers à poursuivre. Il est donc préconisé un certain nombre de recommandations afin de renforcer les politiques et stratégies gouvernementales, l'environnement institutionnel et le cadre juridique touchant au climat des affaires ». Les points qu'il faudra améliorer sont connus, l'éducation, la formation pour faire coïncider l'offre et la demande, la simplification des procédures administratives qui par leur complexité créent de l'opacité et donc un environnement propice à la corruption». L'un des intervenants du panel «L'Etat de droit, pilier de la transparence et de la participation» sera Abdesslam Aboudrar, président de l'ICPC. Ce panel complétera les autres portant sur «L'investissement, vecteur de croissance et de développement », «la PME, catalyseur de l'emploi». Amina Benjelloun, directrice du pôle promotion économique au ministère des Affaires économiques et générales aborde dans cet entretien la question de la gouvernance d'entreprise qui est, dit-elle, un enjeu de société.
LE MATIN : Dans plusieurs de vos interventions vous mettez l'accent sur la gouvernance d'entreprise et son importance dans le processus de changement et de modernisation que connaît notre économie. Pourquoi une telle focalisation ?
Amina Benjelloun : Bonne gouvernance est un sujet qui nous tient à cœur depuis déjà plusieurs années, eu égard aux importantes mutations, tant internationales que nationales, induites notamment par la mondialisation de l'économie et des marchés financiers, dont la vulnérabilité a été particulièrement démontrée lors de la récente crise économique et financière internationale. Ce contexte a exercé une forte pression sur les entreprises qui n'ont pour ainsi dire aujourd'hui d'autre choix que de se conformer aux règles de bonne gouvernance pour favoriser leur développement, leur compétitivité et leur pérennité et contribuer au maintien d'un climat de confiance indispensable à la stabilité des marchés et la croissance économique. La gouvernance d'entreprise concerne l'ensemble des secteurs de l'activité économique et fait corps avec les vraies valeurs prônées dans toute société aspirant au progrès : intégrité, justice et équité. La bonne gouvernance est fondée sur la définition d'objectifs clairs, la transparence dans les actes des dirigeants, la disponibilité de l'information et la consécration du principe de la responsabilité. Ces fondements, lorsqu'ils sont bien appliqués, tirent vers le haut l'ensemble de l'économie d'un pays. Le Maroc, sous l'impulsion du Souverain, s'est engagé d'une manière irréversible sur la voie d'une réforme ambitieuse où la bonne gouvernance constitue la pierre angulaire pour le succès des efforts de développement à long terme, et particulièrement la réussite du processus de régionalisation avancée et de refonte constitutionnelle.
LE MATIN : La question est de savoir si ces fondements de bonne gouvernance sont bien appliqués ? Quel est le chemin qui a été parcouru dans ce sens ?
Amina Benjelloun : Les pouvoirs publics sont conscients de ces enjeux importants et sensibles aux signaux émis par la communauté des affaires. Ils ont déjà adopté une série de réformes visant à moderniser les structures économiques et sociales du pays et à y introduire un palier important en matière de bonne gouvernance. C'est ainsi qu'a été créée en 2007 une commission nationale publique/privée chargée de codifier respectivement les bonnes pratiques de gouvernance à l'attention des grandes entreprises et des sociétés cotées, des PME et des entreprises familiales et des établissements de crédit. La Commission nationale veille aujourd'hui à la finalisation d'un code de gouvernance des entreprises publiques afin d'accroître leur contribution positive dans l'efficience économique et leur permettre de jouer pleinement leur rôle de « locomotive » de la croissance économique nationale. La grande valeur des codes publiés à ce jour est avant tout leur caractère non prescriptif. Ils préconisent une gouvernance non figée mais évolutive, nourrie par l'expérience, qui s'adapte à chaque moment du développement de l'entreprise. L'application de ces codes est avant tout volontaire mais qui se doit d'être accompagnée afin que les dispositions de bonne gouvernance soient bien connues, bien comprises et réellement traduites dans la pratique.
D'autre part, un travail important de sensibilisation, de vulgarisation, d'accompagnement et de formation par l'ensemble des acteurs concernés a été initié pour accompagner ce processus sur le plan national et régional. C'est dans cet objectif que nous avons créé, dans un cadre partenarial public-privé, l'Institut marocain des administrateurs qui offre une large gamme de formations visant à promouvoir les bonnes pratiques de gouvernance d'entreprise auprès des administrateurs et des cadres dirigeants d'entreprise afin de leur permettre d'exercer leur fonction avec professionnalisme, disponibilité et efficacité. Ces avancées viennent ainsi conforter les efforts menés par notre pays visant à bâtir un cadre propice au développement de l'entreprise en général, tant au niveau de l'effort de libéralisation et d'ouverture sur le marché international qu'au niveau de l'aménagement et de la modernisation du cadre législatif et institutionnel régissant l'environnement des affaires.
LE MATIN : Le ministère des Affaires économiques a entrepris la publication d'une série de codes de bonne gouvernance des entreprises publiques et privées. Quelle utilisation en fait-on ?
Amina Benjelloun : La grande valeur des codes publiés à ce jour est avant tout leur caractère non prescriptif. Ils préconisent une gouvernance non figée mais évolutive, nourrie par l'expérience, qui s'adapte à chaque moment du développement de l'entreprise.
La formule retenue par nos différents codes en matière d'application est celle du « comply » ou « explain » tel que recommandé par l'OCDE. Il s'agit donc d'appliquer la disposition ou d'expliquer pourquoi on y déroge. La gouvernance d'entreprise est avant tout une culture mais qui se doit d'être accompagnée à travers le déploiement d'un effort continu en termes de pédagogie, d'accompagnement et d'éducation aux principes de GE afin qu'ils soient bien connus, bien compris et réellement traduits dans la pratique.
Un travail important de sensibilisation et de vulgarisation de l'ensemble des acteurs concernés a donc été mené pour accompagner ce processus sur l'ensemble du territoire national. Les organisations internationales nous ont également étroitement accompagnés dans ce cadre.
LE MATIN :Y a-t-il eu d'autres réformes allant dans ce sens d'amélioration de la bonne gouvernance ?
Amina Benjelloun : Ces avancées viennent par ailleurs compléter les réformes fondamentales entreprises en matière de bonne gouvernance publique, notamment en termes de gestion des pouvoirs, de modernisation de l'administration et de moralisation de la vie publique.
La mise en place du Conseil économique et social, le renforcement des prérogatives de l'Instance centrale de prévention de la corruption et du Conseil de la concurrence, l'adoption du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux ou encore la révision en cours du décret sur les marchés publics et la promotion de l'administration électronique sont autant de mesures concrètes prises par les pouvoirs publics de nature à renforcer le caractère sain de notre système économique et conforter les valeurs d'éthique prévalant au niveau national.
Enfin, ces réalisations, reconnues par la communauté internationale, ont favorisé l'adhésion du Maroc fin 2009 à la Déclaration de l'OCDE sur l'investissement international qui consacre le principe de bonne gouvernance d'entreprise et ont conduit notre pays à la présidence de l'Initiative MENA-OCDE pour la gouvernance et l'investissement qui comporte un volet essentiel relatif à la promotion de la gouvernance d'entreprise.
La bonne gouvernance est souvent présentée comme une culture. Dans quel sens l'est-elle ?
Amina Benjelloun : La bonne gouvernance d'entreprise est plus que cela, c'est un enjeu de société dans le sens où elle constitue un préalable à tout développement, autant lorsqu'elle est conjuguée au sens des principes devant conduire les politiques publiques, que lorsqu'elle doit constituer une philosophie d'entreprendre. La gouvernance d'entreprise en appelle d'abord et avant tout à la responsabilité individuelle et la volonté personnelle de chaque dirigeant d'entreprise qui souhaite s'inscrire dans une démarche de progrès et dans un objectif de création de valeur pour son entreprise.Le défi est pour nous aujourd'hui de travailler tous ensemble, pouvoirs publics, secteur privé, société civile et organisations internationales, pour assurer une large diffusion et une implémentation efficace des principes de bonne gouvernance.
Propos recueillis par Par Farida Moha | LE MATIN